Gérard Glatt Éditeur : Les Presses De La Cite EAN : 9782258194403

Il m’a fallu du temps pour ouvrir « Gailland père et fils ». Ne nous voilons pas la face, l’écrivain Gérard Glatt fait partie de ceux que j’apprécie et justement, en raison de cet enthousiasme, les réserves d’usage se dévoilent avec plus de sévérité. La déontologie requiert une neutralité à toute épreuve, en théorie, car n’étant qu’un pauvre humain je suis certain qu’elle est parfois mise à rude épreuve. Avouons-le, mes auteurs préférés souffrent d’être lus avec moins de complaisance que l’ouvrage d’un inconnu ou d’un jeune premier.
En raison d’une fatigue extrême, d’une ambiance morbide, il me semblait que le monde venait de perdre ses couleurs, qu’une gomme était passée sur l’optimisme des premiers jours de fin d’hiver. J’étais, comme peut l’être un récipient qui déborde sous la pluie d’un orage, de ceux qui s’éternisent au-dessus d’un lieu choisi pour dégouliner de colère. Il est de ces tourments qui vous aspirent jusqu’à l’épuisement de l’énergie du monde. Heureusement, l’amour de la lecture ne m’avait pas quitté, ce n’était qu’une pose, une reconstruction face à la sinistrose mondialement orchestrée.
J’ai donc repris mes activités en choisissant, sans le savoir, non pas un roman, mais un véritable chef-d’œuvre. Ce n’est pas tant par la construction du roman que par le verbe si joliment tourné que j’arrive à cette conclusion. J’ai toujours aimé les écrits de Gérard Glatt. Je les aime par la diversité des sujets proposés, par les fins surprenantes vers lesquelles il entraine ses lecteurs non sans colorer le verbe par de merveilleuses couleurs. Ici transpire le respect des phrasés sculptés à la Michel Ange, je veux dire par là, en artiste accompli, celui qui sait que les sommets de l’art ne se conquièrent qu’en respectant la matière, le marbre pour le second, les mots pour le premier.
En achevant « Gailland père et fils », je prends conscience que se referme ici une œuvre attendue, un petit bijou pour celui ou celle qui s’offre un peu de temps, celui de savourer en place de s’empiffrer. Voyage au cœur de paysages adulés par l’auteur, ceux que l’on retrouve au fil de ses créations, ceux-là mêmes qui ne lassent jamais, qui sont les vibrations d’un décor omniprésent, témoins des cicatrices vallonnées par l’érosion d’une enfance chahutée. Gérard Glatt n’est pas un écrivain il est… Il serait au-dessus de la majorité des plumes contemporaines cependant, pour définir une telle qualité, je peine à trouver le bon mot tout en craignant que ce dernier n’existe que sous forme de gestation. Car Gérard Glatt, s’il nous offre « son » petit dernier, mérite que l’on découvre son œuvre en son entier.
Ainsi, après plusieurs semaines de repos j’allais me saisir en premier geste d’un ouvrage qui va redonner sens à ma curiosité, ma boulimie de lecture et probablement le sens au travail que j’ai choisi de suivre. Dois-je le regretter ? Comme bien d’autres, il se retrouve au rang de cette catégorie maudite que l’on prétend non essentiel (non et sans ciel). Vont-ils me bruler sur le bucher de la bienséance si j’ose écrire ici que, malgré nos efforts pour nous faire évoluer vers un monde « civilisé », la soutane prévaut toujours sur l’esprit ? En pleine pandémie, ils ouvraient les portes à la liturgie alors, qu’en de pareilles circonstances, on enfermait un guitariste interdit de musicaliser le temple. Le monde occulte l’Art alors qu’il est la plus belle des prières, l’oraison en son entier, le dialogue offert par le divin quand ce dernier n’est pas récupéré par l’humanité
Cependant il me faut conclure, je le ferai par ces quelques mots : Gérard Glatt est un écrivain contemporain qui marquera peut-être les générations présentes et à venir. Il n’est pas seul à porter cette couronne, cependant, il mérite que l’on se lève afin d’élever tous nos applaudissements.
Philippe De Riemaecker