« Le Lys Bleu Editions » ISBN 978-2-37877-781-4

Martine Roland est une écrivaine étonnante par la diversité de ses créations. Jamais monotone, rarement redondante, elle nous entrainait, dans ses précédents ouvrages, à la limite du soutenable. Certes il est nécessaire d’aborder toutes les actualités cependant, malgré l’orientation romanesque de ses récits, on espérait ne jamais découvrir la source de son imagination. Rares sont les romanciers qui ne plongent pas la plume dans l’encre du vécu. Certes, l’imaginaire fait partie de la création cependant, oui cependant, il faut bien trouver quelque part un récipient dans lequel on puise les ressources pour abreuver son inspiration. C’était oublier que certains auteurs de fiction nous offrent quelques frissons d’angoisse sans qu’ils soient pour autant des méchants.
Coluche nous expliquait qu’il est facile d’alimenter l’humour sarcastique, cet humour qui façonnait son talent, ou le contraire, peu importe, l’alchimie résultante de cette manipulation produisit sa renommée. Il ajoutait qu’il suffisait d’observer ses contemporains, de lire la presse, de déceler l’absurdité de certaines « modes » voir, de dépecer quelques d’idées reçues. Personne n’a pu démontrer le contraire, nos souffrances paraissent quelquefois ridicules tout en plissant nos yeux de ridules en raison du rire s’il apprivoise nos maladresses. Au-delà de cette constatation, il faut bien avouer que pour que l’intérêt capte notre attention il faut un concentré de talent, certe, mais un talent travaillé sans discontinuer.
Revenons à Martine Roland. Je vous écrivais en introduction que ce bout de femme me surprend à chaque lecture. C’est que, pas un de ses ouvrages ne ressemble au précédent. Le ton, l’approche narrative varie suivant ses humeurs. Pour chacun des récits, l’aventure attise notre curiosité. De page en page, le lecteur se retrouve sous une sorte d’hypnose, la fascination d’un texte intéressant.
Alors que les évènements de la vie m’avaient laissé en mode perdition Martine m’a déposé son petit dernier. « Cabine 288, Rue Brigal ». Quel titre étrange, suffisamment pour intriguer, suffisamment pour que la curiosité tourne le dos à la morosité.
Je n’avais plus goût à rien, mes chroniques pourtant nécessaires à l’assaisonnement de mes journées, paressaient sur le plan de travail de mon bureau. J’étais devenu une sorte d’errant au cœur de ma propre demeure. Je n’étais plus moi-même, j’apprenais à faire semblant, à m’intéresser à toutes choses alors qu’en réalité j’avais l’esprit en mode « hibernation ».
Martine a déposé son livre dans le réceptacle du courrier. Ignorait-elle l’état d’esprit du chroniqueur auquel elle confiait son ouvrage ? Heureusement pour moi, il n’en était rien, elle aurait retenu son geste.
En relevant la boite aux lettres, voici qu’une lueur d’intérêt me revint soudainement. Non, « soudainement » serait exagéré à dire, disons que l’évènement me fit l’effet d’un antidote, d’une douche de fraicheur. En vérité, il me fallut encore un peu de temps pour apprivoiser les blessures qui m’avaient si durement touché. J’ai tourné la première page en me forçant à l’effort. J’ai tourné la seconde par curiosité et puis… je n’ai plus lâché le concentré de pages, le récit venait de m’aspirer.
Le sujet abordé n’est pas dénué de sérieux. Sérieux ? Tout est relatif car si l’on considère que l’histoire d’un cadavre ne peut faire rire que les damnés, il est temps d’ouvrir les portes de l’enfer. Croyez-moi, grâce au dernier livre de Martine Roland ce lieu de misère résonnerait de rires.
Oserais-je avouer que l’intrigue bâtie autour d’une série de faits divers, malgré le côté macabre que l’on ne peut ignorer, a fait que ma bouche ressemblait à une banane. Dieu que le sourire fait du bien, particulièrement en cette période de sinistrose. Que les bonnes âmes me pardonnent, une mégère décrite dans le roman me fit songer à l’une de mes voisines. Non, Martine, je ne citerai personne, nous parlons bien de caricatures n’est-ce pas ? Cabine 288, rue Brigal, un ouvrage qui se lit facilement. Agréable, il nous entraine au cœur de situations burlesques tout en approchant des thèmes empreints de gravité.
Nos destinées sont dépendantes de notre environnement, nous le savions déjà, mais ici, tous les espoirs sont permis. Le thème de l’amour, de l’abandon, des reconstructions en mode bancal. On effleure l’effroyable sans jamais s’y abîmer. Cette histoire nous fait vibrer en songeant qu’à chaque instant, tout pourrait basculer en cahot narratif. Pourquoi faudrait-il s’en cacher ? C’est le piège que l’on redoute lorsqu’un auteur accroche la parodie à des sujets sérieux. Rassurez-vous, Martine a su dompter notre attente, j’ose prétendre que dans ce récit, Martine Roland peut se vanter d’avoir su nous détendre.
Ce récit est une histoire burlesque, sans doute, néanmoins en prenant la peine d’écouter le texte, j’entendais des murmures en mode subliminal. L’auteure retiendrait-elle un torrent de cris, une douleur qui n’appartient qu’à elle ? Il est de bon ton de prétendre que les clowns offrent une image de tristesse, ce n’est pas toujours la vérité, l’humain est ainsi fait que c’est sa complexité qui entraine la tendresse.
Cabine 288, rue Brigal, un ouvrage paru aux éditions « Le Lys Bleu ». Ce livre se trouvera facilement, je ne puis que le conseiller : à lire sans modération.
Philippe De Riemaecker