Marie Bernadette Mars – ACADEMIA ISDN : 978-2-8061-0513-4
Marie-Bernadette Mars nous offre un ouvrage méritant nos regards et toute notre attention. Je gage qu’il ne laissera personne indifférent. Rédigé à l’aide d’une plume que l’on pourrait prénommer de nerveuse, incisive, voici de quoi prendre le risque de se tromper. Ce recueil de « nouvelles » secoue nos léthargies en plaçant au-devant de la scène l’un des « mal-être » sociétal, celui qui ronge pas mal d’entre nous. J’ai envie d’ajouter qu’il fallait « oser » et qu’elle a « osé ».
Au-delà d’une écriture agréable à lire, de textes joliment tournés, il n’en reste pas moins que « L’horizon en éclats » résonne comme un cri qui tente de réveiller nos instincts. Quelle image offrirons-nous à nos descendants si nous ne possédons pas l’héroïsme de ce que nous devrions tenter ? J’avoue y avoir songé, faire partie de la résistance, de ceux qui ouvrent la porte par simple geste d’humanité.

Engagé ? Je n’en suis pas certain. Plus juste serait d’écrire que l’auteure observe les tempêtes qui rongent nos rivages pour raison que les gardiens se sont réfugiés au coin d’un feu. Bel exemple si nous devions le faire dans le but de réchauffer les frilosités de nos civilisations. Non, ceci n’est pas un livre basé sur la démagogie. Non, ceci n’est pas un plaidoyer en faveur d’un monde rose bonbon, d’un monde dans lequel ne règnent que les « Barbies » et les « poneys » à la crinière multicolore. À l’opposé de tout confort, il offre la réalité de vies qui s’éparpillent, de destins qui se rejoignent, d’espoirs et d’illusions perdues sans cependant nous enliser dans une mélasse de prêches moralisateurs. Car il est de la joie qui surgit quelquefois de ce que je craignais n’être qu’un sombre voyage. Si Marie-Bernadette Mars a osé, elle l’a fait avec une sensibilité à fleur de peau, en jonglant avec les mots, portant le verbe comme s’il était précieux, comme s’il devait être serti en jolie parure linguistique.
Comment rendre hommage à « L’horizon en éclats » ? Car oui, ici hommage se mérite par l’art en traits de plume. Paradoxe probable en découvrant que je rédige ce billet à l’ombre d’une vigne dégoulinant de fruits. Joli symbole si l’on veut parler de privilège, celui d’être né du bon côté.
L’ouvrage se comporte comme un fleuve sauvage. Il vous oblige à naviguer en posant prudemment les yeux, à veiller sur les écueils qui blessent les souvenirs, qui éclaboussent notre frilosité, nos réflexions irréfléchies, les raccourcis trompeurs de cette effroyable vérité. Certes, les migrations existent depuis que l’homme a posé les yeux sur son environnement. Débat interminable qui aurait pu tendre un piège à l’auteure si elle n’avait eu l’intelligence de nous guider en qualité de simples observateurs. Observateurs? Certes, cependant il serait faux de croire que cette façon de procéder occulte les souffrances incommensurables que doit porter une grande partie de nos semblables en raison de l’avidité d’une poignée d’opportunistes engraissés par la souffrance du monde.

Certes, nous ne sommes ni juge, ni compétent pour juger. Nous sommes perdus au centre de notre vie, c’est déjà difficile à gérer pour que ce problème s’ajoute à tant d’autres, que l’éclat de nos villes nous offre l’opportunité de détourner les yeux. Avons-nous perdu le sens de l’équité ? Avons-nous perdu nos cœurs ? Non, je crois simplement que nous sommes submergés par les contrariétés, les manipulations parfois, l’abondance d’informations contradictoires qui s’unissent pour que nous devenions blasés.
C’est en refermant « L’horizon en éclats » que soudain je prends conscience que nos destins sont éphémères et qu’il suffit d’un éternuement pour perdre le confort d’une vie. Personne ne peut se vanter de marcher sur un chemin préalablement tracé.
Certes, ici je déborde, ce n’est qu’un frémissement de résistance, une façon de protester contre les iniquités de vie. Aurais-je dû me taire ?
Philippe De Riemaecker